HISTOIRE DE LA SAGA DE TRANS-GUINÉENNE, UNE NOUVELLE ÉTAPE AFFRANCHIE (Écrit par Patrick JA)
Dès le début du XXe siècle, des exportateurs français ont identifié d’importants gisements de minerai de fer, à proximité des monts Simandou et Nimba, dans le sud-est du pays. Mais il aura fallu attendre la fin des années 1960 pour que la société d’économie mixte Mifergui-Nimba, dont l’État guinéen contrôlait 50 % du capital, évalue le potentiel de Nimba à plus de 800 millions de tonnes d’un minerai comportant plus de 67 % de fer. À l’époque, il était question de produire 14 millions de tonnes par an, qui seraient amenées à la mer par voie ferrée via le Liberia voisin (une solution abandonnée par la suite en raison de la guerre civile qui a ravagé ce pays).
Nippon Koei Consulting, un bureau d’études japonais, se lance alors dans l’évaluation d’un vaste projet d’exploitation du fer de Nimba et de Simandou, et de la bauxite de Dabola et Tougué, qui prévoit la mise en place du Transguinéen, un train reliant ces sites à un nouveau port en eau profonde, à construire au large de Conakry. Officiellement présentés à la nation par le président Sékou Touré en 1974, ces travaux reposaient sur un principe économique qui ne s’est jamais concrétisé : la Guinée devait financer la construction du chemin de fer et du port. Diverses hypothèses ont ensuite été étudiées par d’autres cabinets de conseil mais, au final, il n’y a toujours pas de chemin de fer ni de port.
Au milieu des années 1990, le géant anglo-australien Rio Tinto a été approché par le ministère des Mines afin de prospecter le site de Simandou, dont le potentiel n’avait jamais été sérieusement sondé. Certes, des affleurements de roches présentant une forte concentration de fer avaient été constatés, mais ni forages ni d’autres évaluations par des moyens modernes n’avaient permis de vérifier l’importance du gisement. Après plusieurs visites sur le terrain, Rio Tinto se décide à demander une licence d’exploration.
Les travaux débutent en octobre 1997. Après six années de longues négociations entre le groupe minier et une commission gouvernementale, la loi du 25 mars 2003 reconnaît à la société guinéenne Simfer SA le droit à une concession d’exploitation minière. Simfer SA est une filiale à 100 % de Rio Tinto, mais l’État peut décider d’entrer au capital à hauteur de 20 % s’il le souhaite. Parmi les autres engagements figure le réexamen par le cabinet allemand DE Consult du projet de chemin de fer Transguinéen et du port en eau profonde.
En septembre 2004, la seconde étape de l’étude de Simandou étant concluante, Rio Tinto décide de financer la troisième et avant-dernière phase, celle de préfaisabilité. À la fin 2008, les dépenses totales dépasseront vraisemblablement les 200 millions de dollars pour tenir compte d’un nouvel impératif économique : produire 70 millions de tonnes par an, seuil à partir duquel la construction d’un train pour évacuer le minerai devient rentable. En février 2007, DE Consult recommande notamment que cette infrastructure et le port soient financés par les sociétés minières les exploitant. Rio Tinto et les autorités guinéennes s’accordent sur la construction d’une voie ferrée spécifique pour le minerai de fer, longue de 710 km, suivant un axe reliant Simandou et Nimba à un port en eau profonde à implanter au sud de Conakry. Le projet du Transguinéen n’en est pas pour autant enterré. Il fait l’objet d’une étude avancée, qui sera complétée en même temps que le chemin de fer minéralier.
En août 2006, la Société financière internationale (SFI), filiale d’investissement privé de la Banque mondiale, entre à hauteur de 5 % dans le capital de Simfer SA, dans le but d’être associée aux initiatives sociales, culturelles et écologiques qui sont exigées depuis le début des travaux à Simandou. Il s’agit de préserver l’environnement humain et naturel de ce site isolé, peu peuplé et
mal connu. La SFI veillera, en outre, à l’application de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (EITI, Extractive Industry Transparency Initiative), dont la Guinée est signataire. Euronimba, la société en charge de la mine de Nimba, située à 150 km environ de Simandou, négocie des droits d’utilisation du chemin de fer pour exporter ses propres minerais, à raison de 20 millions de tonnes par an. La route du fer guinéen est ouverte. Quand elle sera opérationnelle, le pays produira à lui seul deux fois plus du précieux minerai que n’en produisent aujourd’hui douze pays africains.
SOURCE J A