Par Siba Beavogui – Tribune
Il est de ces silences qui grondent plus fort que mille discours.De ces silences qui ne trahissent pas la peur, mais la lucidité.De ces silences qui, au lieu d’apaiser, dévoilent une trahison plus brutale que l’enfermement.Aujourd’hui, c’est dans ce silence que le capitaine Moussa Dadis Camara inscrit son retour.Le Chasseur de Vérité dans l’esprit de DadisDans une fiction plus vraie que nature, un chasseur de vérité s’introduit dans l’esprit de Dadis récemment gracié. Ce n’est pas un conte. C’est une plongée dans l’âme d’un homme à qui on a rendu la liberté, mais volé l’honneur.Le chasseur interroge les émotions comme un procureur interroge des témoins.La Joie ? Absente.L’Espoir ? Inexistant.La Colère ? Retenue, froide, calculée.L’Honneur ? Brisé mais debout.Car cette grâce présidentielle, en réalité, n’est qu’un poison habillé de clémence.La grâce du déshonneurEn général, lorsqu’on bénéficie d’une grâce, on célèbre, on embrasse à nouveau la liberté.Mais chez Dadis, le sentiment est tout autre. Le poids de l’humiliation, la sensation d’avoir été instrumentalisé, la compréhension des enjeux politiques occultent toute joie.Dadis n’est pas dupe. Il sent que derrière le masque du pardon se cache le plan d’un homme qui rêve de devenir ce qu’il a lui-même dénoncé : un putschiste déguisé en candidat légitime.Mamadi Doumbouya, celui-là même qui l’a fait juger pour coup d’État, se prépare à être candidat, et compte, dans une ironie tragique, sur le soutien silencieux de celui qu’il a condamné.Dadis, lui, ne veut pas d’une liberté empoisonnée. Il veut la justice. Il veut que la vérité éclate. Il veut que le procès du 28 septembre ne soit pas enterré sous les calculs politiciens.Le moment de la prédilectionLors de son procès, Dadis avait lancé une phrase lourde de présage au juge Tounkara : « Vous êtes en train de créer un grand précédent au président Doumbouya. »Cette phrase résonne aujourd’hui comme une prophétie.La boucle est bouclée. Doumbouya, qui jugeait un autre putschiste, se prépare à récidiver dans l’histoire politique du pays. Et il ose espérer que son simulacre de grâce suffira à faire taire les consciences.C’est là que le silence de Dadis devient subversif.Un silence qui dérange.Un silence qui empêche la mise en scène du pardon.Un silence qui empêche Doumbouya de transformer l’humiliation d’un homme en tremplin électoral.La justice manipulée, l’honneur en héritageNous sommes nombreux à croire que le procès du 28 septembre a été politisé.Dirigé contre un seul camp.Orchestré pour punir certains et protéger d’autres.La justice guinéenne, aujourd’hui, donne le spectacle honteux d’une institution aux ordres.C’est pourquoi nous appelons de tous nos vœux la Cour pénale internationale à relancer le dossier.Car si la Guinée veut tourner cette page sombre, ce ne sera pas dans le silence feutré des deals politiques, mais dans l’éclat brut de la vérité judiciaire.Un appel au Grand SudJe salue ici le silence philosophique du capitaine Dadis Camara.Je l’invite à rester debout dans cette dignité muette.Et j’invite tous mes compatriotes du Grand Sud à l’incarner avec fierté.Ce silence est notre honneur.Ce silence est notre résistance.Ce silence est notre message au monde : on peut nous emprisonner, mais on ne peut pas souiller notre âme.
UNE TRIBUNE ÉCRIT
PAR SIBA BEAVOGUI JOURNALISTE